En République Démocratique du Congo, l’État d’urgence sanitaire décrété depuis le 24 mars dernier par le chef de l’État viole le droit des citoyens à l’alimentation. C’est l’avis de Michael-Khalif Elie Cideka, jeune congolais, étudiant à l’Université de Pretoria en RSA. Il plaide pour des mesures réglementaires appropriées à défaut d’une distribution gratuite des produits alimentaires de première nécessité telle que recommandée par la Commission africaine aux droits de l’homme.

Le coronavirus ou COVID-19 est une pandémie mondiale. Suite à son expansion, son ampleur et sa dangerosité, plusieurs Chefs d’Etats ont pris des mesures drastiques pour limiter sa propagation. Eu égard à cela, la République démocratique du Congo (RDC), par la voix de son Président de la République, il a été décidé plusieurs mesures le 18 mars 2020 restreignant la liberté de circulation et de réunion. Ayant constaté que ces mesures n’ont pas été suivies, le Président de la République s’est encore prononcé le 24 mars 2020 en proclamant l’État d’urgence assorti d’un certain nombre des mesures de restriction des libertés publiques.

Cependant, compte tenu de la situation socioéconomique précaire des congolais et l’absence d’une loi de mise en application, cet état d’urgence est en train de porter atteinte au droit à l’alimentation.

Notion sur l’État d’urgence.

L’État d’urgence est un régime exceptionnel qu’un gouvernement met en place pour faire face à une situation quelconque généralement dangereuse, telle que la pandémie du COVID-19 par exemple. Ce régime engendre des mesures de restriction qui portent des implications sur les droits civils, politiques, socioéconomiques et culturels. Il trouve son fondement légal à l’article 85 de l’actuelle Constitution de la RDC et dans différents instruments juridiques internationaux ratifiés par cette dernière tel que l’alinéa 3 de l’article 12 du Pacte International relatif aux Droits Civils et Politiques (PIDCP).

Cependant, ces mesures de restriction doivent respecter les principes de proportionnalité et de compatibilité au risque évalué. C’est dans ce sens que l’Organisation des Nations Unies (ONU), par la voix de la Haut-commissaire aux droits de l’homme, Michelle Bachelet, a suggéré aux États de prendre des mesures qui luttent contre la propagation du coronavirus tout en respectant les droits de l’homme.

Portée du droit à l’alimentation
Le droit à l’alimentation ou droit à la sécurité alimentaire est constitutionnellement garanti et implique que toute personne doit non seulement avoir accès à une nourriture suffisante mais également doit être économiquement et physiquement à l’abri de la faim à tout moment.

Pendant l’État d’urgence où cette capacité physique et économique d’être à l’abri de la faim est réduite par la restriction apportée au droit au travail et à la liberté de circulation, les États, en particulier africains, ont été appelés par la Commission africaine aux droits de l’homme à porter secours à leur citoyens en leur assurant une distribution gratuite des produits alimentaires de première nécessité.

Répercussions de l’État d’urgence sur le droit à l’alimentation.

Les conséquences de cet état d’urgence se font remarquées sur le vécu quotidien des citoyens congolais, la vie devient de plus en plus dure dans différentes villes congolaises, cet état d’urgence visant la maîtrise du COVID-19 a engendré une diminution du pouvoir d’achat des produits surtout de première nécessité tels que les denrées alimentaires. A Bukavu par exemple, les prix de la farine de maïs est passé de 19$ à 24$ pour un sac de 25 kg, ou encore le prix d’un sac de 25 kg des haricots qui est passé de 25$ à 30$. Le même constat peut être fait pour le prix de l’huile palmiste dont un bidon de 20 Litres qui se négociait à 20$ est passé à 28$ depuis que le désastre du COVID-19 a frappé à la porte de la RDC.

Des mesures réglementaires devraient être adoptées et suivies pour empêcher les profits sur les denrées alimentaires, comme c’est le cas au Rwanda où le ministère du Commerce et de l’industrie a fixé le montant maximum du riz, du sucre, ou encore de la farine de maïs et a déterminé les quantités maximales de denrées alimentaires qu’un acheteur ne devrait pas dépasser.

Il se pose également un problème de réception de ces mesures par les destinataires, bon nombre desdites mesures ne sont pas respectées et la faute n’incombe pas aux destinataires d’autant plus que le contexte socio-économique dans lequel les citoyens congolais se trouvent laisse à désirer, la plupart vive au ‘‘taux du jour” c’est-à-dire vivre grâce au peu d’argent gagné par jour. Un tel citoyen doit-il rester confiné à la maison ? Qu’est-ce qui est plus grave entre COVID-19 et la faim ? Le choix est éclaire, il doit aller chercher comment trouver de l’argent afin de payer la nourriture car le gouvernement n’a prévu aucun programme national de distribution gratuite d’aliments à la population.

Le gouvernement est appelé à assurer le bien-être et la santé de tous les citoyens surtout pendant cette période de la pandémie du COVID-19. Dans les quartiers les plus défavorisés, le gouvernement en coopération avec les organisations humanitaires ou religieuses locales et internationales, devrait assurer la distribution d’eau potable et de la nourriture comme c’est le cas au Ghana et au Kenya. Il faut que le gouvernement agisse vite, dans le cas contraire, la situation va dégénérer jusqu’à entrainer des pillages.

Michael-Khalif Elie Cideka, En formation de Maîtrise en Human Rights and Democratisation in Africa (HRDA), Centre for Human Rights, Faculty of Law, University of Pretoria. Student Number: 20815353 E-mail: cidekaelie@gmail.com