
Depuis plusieurs semaines, les habitants de la province du Haut-Uélé, dans le nord-est de la République Démocratique du Congo, vivent une véritable agonie numérique. Qu’il s’agisse de Vodacom, Airtel ou Orange, aucun réseau ne fonctionne normalement. Appels interrompus, internet instable, messages bloqués, forfaits consommés sans service… Pourtant, chaque jour, les clients continuent de payer.
À Watsa, Niangara, Dungu, Faradje, Rungu, Wamba et Isiro, des milliers de citoyens achètent des unités, activent des forfaits data, rechargent leur mobile money. Et que reçoivent-ils en retour ? Du vide. De l’arnaque. Du mépris.
Un abandon déguisé en service*
Ce n’est plus un secret : les trois principaux opérateurs de téléphonie mobile semblent avoir abandonné le Haut-Uélé. Là où la technologie devrait relier les gens, elle isole. Là où la communication devrait simplifier la vie, elle la complique. Ce n’est plus un service : c’est un abus manifeste.
En 2025, dans une province aussi riche en ressources naturelles, comment peut-on encore être obligé de grimper sur une colline pour capter une barre de réseau ? Comment justifier qu’un forfait de 1 Go ne permette même pas d’ouvrir une page Google ? Il s’agit, ni plus ni moins, d’une tromperie.
Et ce n’est pas une panne passagère. C’est une défaillance chronique. Une preuve d’indifférence. Une logique de profit sans contrepartie. Une escroquerie collective.
Le silence, complice du scandale
Plus grave encore que ces réseaux défaillants : le silence. Silence des opérateurs, qui ne s’excusent jamais, ne communiquent pas, et continuent à vendre des forfaits comme si tout fonctionnait. Silence des autorités, qui brillent par leur absence : aucune enquête, aucun communiqué, aucune pression sur ces entreprises.
Et puis, il y a notre silence à nous, la population. Oui, ce silence nous rend complices de notre propre humiliation. On se plaint dans les maisons, dans les bus, sur les marchés… mais on continue à recharger. Pas de manifestations, pas de pétitions, pas de mobilisation citoyenne. Pendant que nous souffrons en silence, ces sociétés encaissent en silence.
Et l’État congolais ? L’ARPTC ? Le ministère des Télécommunications ? Le gouvernement provincial ? Tous aux abonnés absents.
Ce silence est plus qu’un abandon : c’est une trahison.
Des conséquences graves et durables
Cette situation n’est pas seulement frustrante. Elle est dangereuse. Elle pénalise des secteurs entiers :
Les enseignants n’ont plus accès aux ressources pédagogiques en ligne.
Les commerçants ne peuvent pas contacter leurs fournisseurs.
Les patients ne peuvent pas joindre les hôpitaux.
Les journalistes ne peuvent pas transmettre leurs reportages.
Les jeunes entrepreneurs du numérique sont découragés, bloqués, ruinés.
Même les transferts d’argent deviennent un calvaire.
Pendant ce temps, Vodacom, Airtel et Orange engrangent des milliards… en vendant du vent.
Une prise de conscience s’impose
Nous saluons ici le courage de Nonce René Eyaka, président du Conseil Provincial de la Jeunesse du Haut-Uélé, qui a osé dire tout haut ce que d’autres taisent : cette situation relève d’un vol organisé. Il appelle à des solutions rapides et concrètes. Il a raison. Mais une voix isolée ne suffit pas.
Il faut une mobilisation collective. Que les radios dénoncent. Que les églises prennent position. Que les organisations citoyennes s’activent. Que la population se lève. Le Haut-Uélé ne doit plus accepter l’inacceptable.
Que devons-nous exiger ?
Nous avons le droit :
À une communication officielle des opérateurs concernés ;
À un audit technique indépendant de la qualité des réseaux ;
À un plan d’amélioration concret, avec des délais précis ;
À des réductions tarifaires ou une suspension des forfaits durant les périodes de défaillance ;
À des sanctions contre les opérateurs fautifs ;
Et surtout, à la fin de la complicité passive de l’État avec les télécoms.
En conclusion : il est temps d’agir
Le Haut-Uélé ne mérite pas ce mépris. Ses habitants ne sont pas des clients de seconde zone. Ils ont droit, comme tous les Congolais, à un service de télécommunication fiable, stable et respectueux.
Trop longtemps, Vodacom, Airtel et Orange ont prospéré grâce à notre silence.
Il est temps de faire entendre notre voix.
Par Amisi Walum