Jonathan Siva, Chercheur en communication institutionnelle

La République démocratique du Congo, pays au cœur de l’Afrique, fait aujourd’hui figure de bon élève à l’école de la
démocratie continentale après avoir réussi contre vents et marées l’organisation de son quatrième cycle électoral le 20 décembre 2023.

Si cette démocratie, entendez pouvoir du peuple par le peuple et pour le peuple, pour citer
Abraham Lincoln au discours de Gettysburg, n’est pas moins controversée, les efforts consentis peuvent faire
l’objet d’appréciation de part et d’autre.

La RDC regorge d’énormes potentialités qui favorisent la convoitise de ses voisins proches comme lointains. Dans la manœuvre de Balkanisation de la nation chère à Patrice-Emery Lumumba, plusieurs magouilles sont mises en œuvre pour cette fin ;
Guerre dans l’Est, rébellion masquée ou ouvertes appuyées par certains fils du pays, manipulation des leaders, racisme, népotisme, tribalisme… Tels sont les maux parmi tant d’autres qui freinent l’élan du développement de la patrie dont se réclame la
Bienheureuse Marie-Clémentine Anuarite Nengapeta.

Outre la guerre devenue presque inhérente aux vécus des habitants de la partie est de la
RDC, le tribalisme constitue une arme lourde utilisée par les détracteurs qui veulent coute
que coute et impérativement maintenir de la situation socio-économique précaire du
Congo.


DE LA HAINE TRIBALE COMME ARGUMENT ELECTORAL


Alors que la jeune démocratie rd-congolaise pose ses fondations, des défis internes
comme externes viennent bousculer cet élan positif.
Parmi les défis internes sur lequel
nous nous accentuons dans cette réflexion, il y’a le Tribalisme.

Compris globalement comme forme d’organisation sociale fondée sur la tribu, le
tribalisme est un mal qui ronge la RDC depuis l’époque de Zaïre, d’ailleurs au grand
mépris de Mobutu, président à l’époque qui fustigeait cette pratique aux dangers
incalculables déjà en son temps.

En période électorale, le tribalisme s’érige de plus en plus comme argument, le seul qui
semble compter d’ailleurs.

C’est d’ailleurs les résultats de nombreuses enquêtes
scientifiques qui consacrent les élections en Afrique, particulièrement en RDC comme
étant tribales ou ethniques. Cette notion est utilisée, consciemment ou non, par certains acteurs politiques pour se débarrasser des adversaires en situation de non-originaire.
Aujourd’hui encore, le tribalisme fixe confortablement ses racines avec des notions
modérées voire modernisées telles que la Notion des Originaires.

DE PERE ET DE MERE : LE DEBAT DES ORIGINAIRES !


La nationalité congolaise est une et indivisible. C’est l’article 10 de la Constitution qui le dit. Avant de poursuivre : « Est Congolais d’origine, toute personne appartenant aux
groupes ethniques dont les personnes et le territoire constituaient ce qui est devenu le
Congo (présentement la République Démocratique du Congo) à l’indépendance. »

Le rappel de cette disposition constitutionnelle se veut être la parfaite illustration de la
volonté du constituant de sauvegarder l’unicité dans ETRE CONGOLAIS.

En période
électorale plus que dans toute autre, la question de la nationalité constitue le cercle si pas le centre des débats électoraux. Récemment encore, c’était le cas entre l’actuel
président élu Félix Tshisekedi et son dauphin Moise Katumbi.

Si les élections combinées du 20 décembre sont derrière nous en ce qui concerne la
présidentielle, les législatives nationales, provinciales et des conseillers municipaux, le
calendrier électoral place encore des grands
évènements nécessaires au bien-être de
l’Etat. Dans cette catégorie figure les élections des gouverneurs et vice-gouverneurs de
province.

A l’approche des élections des animateurs des provinces au niveau exécutif, le tribalisme
s’invite au débat non sans être accompagné d’un parfum de balkanisation.

Si la loi
fondamentale ne consacre pas la notion des originaires, elle soumet seulement la condition d’être congolais pour prétendre au poste de gouverneur ou vice-gouverneur.

Cependant, à l’approche de cette date fatidique où le choix s’opère au niveau des députés
provinciaux, certains camps politiques placent comme argument électoral le débat non
pas sur la nationalité mais sur l’appartenance à un groupe ethnique qui plus est de père
et de mère.

En notre qualité d’observateur social et historien du présent, il nous parait urgent d’alerter
sur le danger de cette pratique porteuse de velléités sécessionnistes tendant à créer des origines dans les origines.

Historiquement, des 26 provinces que compte la RDC, le débat des originaires fait large écho en cette année 2024. Coïncidence, année de grands enjeux sécuritaires !

D’abord, il sied ici de clarifier qui est originaire. Selon l’entendement de ses initiateurs,
Est originaire celui ou celle qui est de père et de mère tous deux ressortissants d’un
groupe ethnique d’une même province.
Aujourd’hui, il suffit de suivre les discours véhiculés dans les médias en matière électorale
pour voir, entendre, lire, parfois même sentir la menace de ce mélange nocif entre
xénophobie et tribalisme. A croire qu’être originaire est un profil suffisant et rassurant sur
la compétence de l’individu. Ce qui est on ne peut plus faux.


FELIX TSHISEKEDI CONTRE LA NOTION DES ORIGINAIRES

Le président de la République Félix-Antoine Tshisekedi a déjà donné sa position quant au
débat autour des originaires pour de postes dits de souveraineté. Pour rappel, il y’a
quelques semaines, le chef de l’Etat lui-même avait affirmé sa volonté de tordre le cou à
cette pratique maline des originaires à la tête des provinces. « Les gouverneurs de
provinces doivent être désignés par l’Etat. Oui, par le président de la République qui
représente l’Etat » avait affirmé le président de la République dans une interview face à Christian Lusakweno pendant la campagne électorale.

Si cette
proposition fait partie des réformes attendues au nouveau mandat du cinquième
président de la RDC, réformes qui ne seront pas effectives dans l’immédiat, elle
(proposition du président) donne tout de même le penchant du chef de l’Etat et garant du bon fonctionnement de l’institution face à la problématique des originaires.
En définitive, nous lançons dans cette réflexion une alerte quant aux menaces
destructrices que regorge la notion des originaires. Il se confond tantôt à la xénophobie,
au tribalisme non sans empreinte de sécession, avec toutes les conséquences connues
et inconnues de ces fléaux. Le débat électoral doit rester républicain, avec des arguments
non
discriminatoires et favorables au renforcement de l’unité et la cohésion nationale
tellement vitales en cette période où le pays fait face à l’agression rwandaise dans l’est
manifestée notamment par le soutien réel de mouvements rebelles par les fils
« originaires » du pays dont le dernier autoproclamé est Corneille Nangaa.

En politique, tous les coups sont permis certes ! Mais si l’on veut réellement le
développement de nos provinces et in globo celui de la RDC, tout n’est pas utile.

Jonathan SIVA KAMBALE
Licencié-Agrégé en Communications sociales (Université Catholique du Congo-2021)